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Géraldine LAURENT (2008)

Lauréate en 2008


Géraldine Laurent/Pierrick Pedron
Théatre du Châtelet, 2015 ;
©photo Philippe Marchin

Musicienne et saxophoniste française, (1975,Niort)

Histoire d’une révélation. « Tout est vraiment parti de Calvi, confesse-t-elle, où trois journalistes m’ont entendu une nuit de juin 2005 dans un bar du port. Moi, je ne les connaissais pas. J’ai participé sans la moindre pression à un bœuf nocturne dont ce festival très convivial a le secret. J’ai joué ce soir-là comme d’habitude, comme je sais jouer. Pourquoi ont-ils manifesté un tel intérêt pour mon jeu ? Il faut leur demander. »
Géraldine a grandi dans une famille musicienne. Elle commence par l’étude du piano, mais choisit à 12 ans le saxophone. C’est la découverte émerveillée du big band de son conservatoire qui sonne pour elle « comme un appel au jazz ». À partir de 1999, elle se produit sous son nom en quartet et tourne un peu dans sa région. En 2000, elle intègre la Compagnie T.C Spectacle où elle apprend à apprivoiser la scène et sa timidité, « à se détacher du regard et du jugement d’autrui ». Elle joue également dans le quartet du pianiste Christophe Joneau avec lequel elle participe à ses deux premiers albums. En 2005, elle se décide à « monter » à Paris pour promouvoir les deux trios qu’elle a sur le feu : un premier avec Hélène Labarrière et Eric Groleau. Et le « Time Out Trio » avec Laurent Bataille (batterie) et Yoni Zelnik (contrebasse), « une formule dans laquelle je m’éclate. » Une formule de trio nu qui enchante d’emblée Aldo Romano et Francis Dreyfus qui décident de produire son premier disque sous son nom pour « Dreyfus Jazz ».
Géraldine Laurent est une musicienne d’aujourd’hui, une improvisatrice de son temps. Un temps composé tout à la fois de passé et de présent, inséparablement personnel et collectif. Son premier disque en est la preuve. La jeune altiste fascine par son jeu incessant entre mémoire vive du jazz (Rollins, Dolphy, Mingus…) et urgence de l’instant, tradition et invention, racines et originalité, rigueur et fougue. Avec ses deux stimulants complices, elle fait montre de générosité sans fond, d’une belle énergie tant physique que mentale. Mise en place impeccable, swing ébouriffant, sonorité pleine, charnue et fiévreuse, phrasé d’une fluidité naturellement lyrique, prise de risque permanente, maîtrise égale du rythme, de l’harmonie et de la mélodie, joie de jouer et de chanter dans son alto…
Voilà des qualités rarement rassemblées en une seule personne. Pour sa première aventure phonographique, elle a choisi un répertoire qu’elle a pris le temps de rôder sur scène avec ses deux compagnons. À l’exception d’un thème original « A Quiet », il est composé de standards peu joués qu’elle a découverts au hasard de ses écoutes. Avec audace, elle se les réapproprie pour mieux les métamorphoser à sa guise. Écoutez, par exemple, avec quelle aisance elle accélère puis ralentit la cadence de « Lester Left Town » de Wayne Shorter. Avec quelle liberté et précision, elle emballe et enflamme le tempo de « Rejoicing » d’Ornette Coleman. Et avec quelle émotion et force de conviction, elle chante une ballade comme « I Fall In Love Too Easily ». À chaque nouveau morceau, Géraldine sait nous captiver en nous « racontant » des histoires pleines de surprises et de rebondissements incessants. C’est un don rare, réservé aux seuls vrais improvisateurs.

Vincent Bessières

Géraldine LAURENT