Eddy LOUISS (1963)
Lauréat en 1963
©photo Christian Rose
Organiste, pianiste, trompettiste, percussionniste, chanteur, chef d’orchestre et compositeur français (Paris, 22-5-1941 / Poitiers, 30-06-2015).
Fils d’un musicien d’origine martiniquaise, le trompettiste, Pierre Louiss, Eddy Louiss (Edouard Louise) prend des leçons de piano classique dès l’âge de cinq ans, puis étudie le solfège et l’harmonie dans un conservatoire. Très jeune, il chante et joue dans l’orchestre paternel au cours de tournées estivales dans les casinos : rumba, paso-doble et cha-cha-cha sont au programme, qui lui donneront plus tard le goût d’intégrer le « typique », comme on disait dans les années 50, à son expression musicale. Il écoute également beaucoup de musiciens de jazz qui lui donnent envie de s’essayer à plusieurs instruments : trompette, vibraphone, orgue. A seize ans, il joue à plein temps dans l’orchestre de son père, fait le bœuf avec Jean-François Jenny-Clark et Aldo Romano dans des clubs parisiens comme le Chat Qui Pêche, le Caméléon et le Tabou. Mimi Perrin fait appel à lui pour son groupe vocal les Double Six. Il enregistre son premier disque à cette époque avec le trompettiste Sonny Grey et Daniel Humair, puis en leader un 45 tours pour la danse. Au sein des Double Six, il enregistrera avec Dizzy Gillespie et Quincy Jones. Son service militaire ne l’empêche pas de jouer du bugle, ni de se produire au Festival d’Antibes en 1963 avec Nicole Croisille. A partir de sa libération, il mène une double carrière : variétés avec le chanteur Claude Nougaro pendant treize ans et jazz. En 1964, il joue (de la trompette et de l’orgue) dans le grand orchestre d’Ivan Jullien et se produit au Blue Note avec Jimmy Gourley. En 1966, il forme avec Jean-Luc Ponty et Daniel Humair le trio HLP, qui aboutira à trois disques. En 1967, Kenny Clarke est derrière lui au Ronnie Scott’s Club de Londres. La formule du trio (orgue, guitare, batterie) lui convient alors particulièrement : y participent tour à tour Pierre Cullaz, Aldo Romano, René Thomas, Kenny Clarke, Bernard Lubat. En
1970, il se produit à 1’Apollo de New York et fait une tournée au Japon. Après avoir accompagné Johnny Griffin pendant neuf mois au Jazzland, à Paris, il part en tournée en 1971 avec Stan Getz (dont Thomas et Lubat complètent le groupe). A son retour, il reforme un trio avant de consacrer l’essentiel de son temps à la variété. Après une tournée en Côte-d’Ivoire en 1977, il s’installe dans le Poitou. Il constitue des orchestres avec des musiciens venus d’horizons différents (Jo Maka, Sylvin Marc, Paco Séry, Abdou M’Boup, Jim Cuomo...). En 1982, il accompagne en grand orchestre Henri Salvador puis crée un octette avec Dominique Pifarely. En 1986, il intitule Multicolor Feeling une série de concerts, puis son orchestre, et reprend la formule l’année suivante en y ajoutant lors du Festival de jazz de Paris une fanfare de cinquante musiciens, professionnels et amateurs, avec laquelle, par la suite, il se produit régulièrement. En 1994, il enregistre avec Michel Petrucciani.
De la trompette au piano, d’une voix à l’autre et d’un bout à l’autre du spectre de l’orgue Hammond, il est, littéralement, l’homme de tous les registres. Des libres improvisations (avec John Surman, Michel Portai, Bernard Lubat...) à tous les rythmes afro-caraïbes, aucun swing ne lui est étranger. D’où cette sensibilité multicolore et à fleur de claviers qui lui fait réinventer les verbes du blues à travers machines (orgue, puis synthétiseur) et orchestres. Ronronnant, vibrant, frémissant sur d’irrésistibles et telluriques lignes de basses, finement déchiré de fusées aiguës dignes des grands chanteurs soul, son orgue sans cesse semble prêt à bondir, construisant d’exquisement vertigineux tremplins et falaises mélodiques, comme si, jouant de l’anacrouse érigée en système, l’essentiel était toujours à venir.
F.-R. S. et P.C.
So What (HLP, 1968) ; Song For Martine (S. Getz, 1971) ; Bags’Groove (1972), Colchique dans les prés (1977), Blues For Klook (1987), « Multicolor Feeling Fanfare » (1988-89), « Multicolor Feeling Fanfare Live » (1991) ; « Conférence de presse » (1994).