Pierre DE BETHMANN (2004)
Lauréat en 2004
©photo PdC.
Né le 21 avril 1965 à Boulogne-Billancourt.
Aîné d’une famille de quatre enfants, Pierre de Bethmann a grandi dans le quartier Latin à Paris. Encouragé par une mère médecin ayant pratiqué assidûment l’instrument avant lui, il débute l’étude du piano à l’âge de six ans à la Schola Cantorum avec une professeur qui restera la même jusqu’à l’âge adulte. Il se découvre au clavier une affection pour Bach et l’impressionnisme français, sans jamais cependant se rêver concertiste. Son grand-père maternel, qui cultive une passion pour Erroll Garner, Armstrong et Bechet, lui offre un disque de Duke Ellington grâce auquel, à l’adolescence, le jazz dessine l’un de ses premiers espaces de liberté personnelle. Ce sentiment est renforcé lorsque un condisciple, François Narboni (aujourd’hui compositeur de musique contemporaine) lui fait découvrir Bird, Dizzy Gillespie, John Coltrane et Miles Davis. Se forgeant une pratique du jazz en solitaire, cherchant à reproduire ce qu’il entend sur disque, il suit parallèlement le cheminement d’une scolarité brillante qui le mène jusqu’à l’Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP) dont il sort diplômé en 1987.
Profitant d’une année sabbatique, Pierre de Bethmann étudie deux semestres au Berklee College of Music de Boston en 1989, où pour la première fois il reçoit un enseignement académique du jazz. Il entend, en outre, au cours de son séjour, le quartet de Branford Marsalis avec Kenny Kirkland, celui de Michael Brecker et le groupe de Tony Williams, qui l’impressionnent durablement. De retour à Paris, la musique, longtemps envisagée comme loisir, prend le pas sur le parcours professionnel auquel ses études l’ont mené. Pierre fréquente les clubs parisiens et trouve ses premiers engagements au Petit Opportun. En 1994, la rencontre du contrebassiste Christophe Wallemme et du batteur Benjamin Henocq débouche sur la formation d’un trio qui prend le nom de Prysm, se présente cinq mois plus tard au Concours national de jazz de La Défense où il remporte un prix d’orchestre qui leur vaut, peu après, d’enregistrer un premier album.
Vanté par Herbie Hancock qui le remarque au cours d’une master class, conforté par le succès immédiat de Prysm, Pierre de Bethmann se consacre dès lors au jazz. Avec Christophe Wallemme, ancré dans une certaine scène du jazz ouverte aux rythmes du monde, et Benjamin Henocq, qui évolue dans la filiation française du M-Base de Steve Coleman, il anime un trio ouvert, aux influences multiples, aux conceptions imaginatives. Pendant sept années, jusqu’en 2000, les trois musiciens profitent d’un engouement qui leur permet de jouer dans toute la France, en Europe, au Japon, et jusqu’aux Etats-Unis. Il en résultera quatre disques sous étiquette Blue Note, dont l’un publié par la maison mère aux Etats-Unis. Par l’attention prêtée au répertoire, cette première expérience d’une rare ampleur est l’occasion pour Pierre de Bethmann d’initier un travail de composition au travers d’une réflexion collective sur l’écriture.
Parallèlement à Prysm, Pierre de Bethmann a l’occasion d’apporter son concours au saxophoniste Jean-Christophe Béney, à la chanteuse Laïka ou au batteur Stéphane Huchard. Il participe au septet de Jean-Loup Longnon mais aussi au groupe de l’harmoniciste Olivier Ker Ourio, qui intègre ses racines réunionnaises à la tradition du jazz (rencontre avec le chanteur Danyel Waro, figure de la tradition du mayola, 2003). En outre, Pierre prête ses talents d’accompagnateur aux solistes de passage dans les clubs parisiens.
Au sortir de l’aventure de Prysm, Pierre de Bethmann forme un quintette avec le batteur Frank Agulhon, le guitariste américain Michael Felberbaum, le contrebassiste Clovis Nicolas (remplacé peu après par Vincent Artaud) et le saxophoniste ténor David El-Malek. Il s’y consacre au piano électrique Fender Rhodes, dont il place la sonorité très typée au centre de son groupe. Cette formation est l’occasion de donner à sa musique une tournure qui la rapproche de la nouvelle scène new-yorkaise, dont le pianiste a découvert la fertilité au club Smalls à l’occasion d’un séjour aux Etats-Unis en 1996. Un premier disque – baptisé « Ilium », pour souligner l’importance des alliages sonores et des combinatoires de personnalités – est suivi en 2003 de « Complexe », qui ne craint pas d’afficher pour titre un mot qui souligne la réflexion approfondie sur les formes, les carrures rythmiques, les combinaisons instrumentales et les cheminements harmoniques, que Pierre de Bethmann applique à l’écriture de ses compositions.
Lauréat en 2004 du prix Django-Reinhardt de l’Académie du jazz, il continue d’être reconnu pour ses talents de pianiste « pur », succédant à Baptiste Trotignon dans le groupe Moutin Reunion, régulièrement sollicité par des musiciens tels que Pierrick Pedron, Rick Margitza, Thomas Savy, David El-Malek ou Christophe Dal Sasso. En 2006, il prolonge avec une remarquable constance sa démarche de leader en élargissant son groupe à deux musiciens, le saxophoniste Stéphane Guillaume et la chanteuse Jeanne Added, dont la présence enrichit la palette des timbres à sa disposition (« Oui », 2007 ; « Cubique », 2009).
Vincent Bessières